
LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Par propriété intellectuelle, on entend les créations de l’esprit : les inventions, les œuvres littéraires et artistiques, mais aussi les symboles, les noms, les images et les dessins et modèles dont il est fait usage dans le commerce.
La propriété intellectuelle se présente sous deux branches :
- la propriété littéraire et artistique qui s’applique aux créations de l’esprit. Elle recouvre d’une part le droit d’auteur, qui comprend les œuvres littéraires et artistiques que sont les romans, les poèmes, les films, les œuvres musicales et les œuvres d’art telles que dessins, peintures, photographies, sculpture, et d’autre part les droits voisins du droit d’auteur qui sont les droits que possèdent les artistes interprètes ou exécutants sur leurs prestations, les producteurs d’enregistrement sonores sur leurs enregistrements, et les organismes de radiodiffusion sur leurs programmes radiodiffusés ou télévisés.
- la propriété industrielle qui protège les découvertes techniques (brevets d’invention), des créations ornementales (dessins et modèles) et signes distinctifs (marques commerciales, enseigne, noms de domaine, appellations d’origine, etc.). S’agissant des médicaments, il s’agit avant tout de la mise en cause des droits de propriété industrielle que sont la marque et le brevet.
En quoi un médicament est-il protégé par le droit à la propriété industrielle ?
Le médicament est protégé par le droit à la propriété industrielle en tant qu’il a fait l’objet d’un dépôt de brevet et qu’il se distingue par une marque, voire un dessin et modèle.
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Le brevet s’attache au produit en tant qu’il apporte une innovation. Il peut être obtenu pour un médicament comme pour tout autre type d’invention. Le brevet d’un médicament confère à son titulaire une exclusivité commerciale pour une durée de 20 ans à compter du jour de dépôt de la demande. Dans les faits, pour le médicament, cette protection sera bien moindre puisqu’après le dépôt du brevet, le médicament devra encore faire l’objet de recherches complémentaires et d’essais pendant presque 10 ans avant d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) et de pouvoir être exploité commercialement.
Pour compenser cette particularité, le médicament bénéficie de la possibilité d’étendre sa protection jusqu’à 5 ans supplémentaire en obtenant un « certificat complémentaire de protection ».
La marque se définit comme signe (mot, lettre, logo, forme, couleur, sons, etc.) susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale. Dans le domaine pharmaceutique, le nom du laboratoire et celui du médicament sont protégés par le droit des marques. Ils permettent au patient de reconnaître le produit, reconnaissance qui s’accompagne d’une garantie de qualité et de sécurité.
Le dessin et modèle se définit comme tout objet dont la forme, la configuration ou un effet extérieur lui confère une physionomie propre et nouvelle qui le distingue d’autres objets. Cette particularité lui vaut d’être protégé pendant une durée déterminée. Dans la pratique, le dessin concerne une création bidimensionnelle et le modèle une création tridimensionnelle. Les dessins et modèles se réfèrent à des graphismes et des formes non liées directement au procédé de fabrication.
Ces droits à la propriété industrielle sont reconnus internationalement et ont été débattus dans le cadre des accords « Aspects des Droits de la Propriété intellectuelle touchant au Commerce » (ADPIC).
Des offices de propriété intellectuelle ont pour mission d’enregistrer et de permettre ainsi la protection de ces droits à l’échelon national, communautaire (Office des marques communautaires en Europe) ou mondial (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle).
En quoi la propriété industrielle est-elle un moyen de lutte efficace contre le trafic de faux médicaments ?
« La contrefaçon de médicaments n’est pas un problème de propriété intellectuelle. C’est un problème de Santé Publique d’abord. C’est le point fondamental. Les problèmes de propriété intellectuelle peuvent exister mais ils sont secondaires par rapport aux problèmes de Santé Publique. » Cette phrase du Professeur Amor Toumi, conseiller auprès de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), rappelle à quel point, face au trafic de faux médicaments, fléau sanitaire planétaire causant la mort de millions de personnes, il paraît bien dérisoire, voire totalement déplacé de traiter des questions du droit des marques et de la protection de brevets. Cela est d’autant plus vrai que les contrefacteurs de médicaments copient aussi bien les produits princeps que les produits génériques.
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Pourtant, une telle approche est fondée pour trois raisons majeures :
- Un faux médicament saisi dans un lot à l’occasion d’un contrôle douanier par exemple n’est parfois illégal qu’en tant qu’il est une violation d’un droit de propriété industrielle. Ainsi, dans bien des cas, seule l’approche juridique sur le terrain de la violation d’un droit de propriété intellectuelle peut permettre d’engager une procédure judiciaire.
- Un faux médicament sans principe actif constitue un leurre : il n’est dangereux pour la santé qu’en tant qu’il prive le patient de la possibilité de se soigner réellement ou de se protéger contre une affection. Aussi, en l’absence d’une reconnaissance juridique spécifique pénalisant la fabrication et la commercialisation de tels faux médicaments, l’atteinte au droit de propriété intellectuelle reste l’un des leviers juridiques les plus fiables pour enrailler le trafic.
- Le mécanisme de la retenue en douane, telle que prévue aux articles 51 et suivants des accords ADPIC, n’est possible qu’en cas de suspicion d’atteintes aux droits de propriété intellectuelle. A défaut de l’étendre aux médicaments falsifiés, cette procédure est efficace. C’est grâce à elle notamment que les douanes ont intercepté plus de 7 millions de faux médicaments en 2009 en Europe.
Précisions encore que les droits attachés à la propriété intellectuelle qui définissent l’acte de contrefaçon ne reconnaissent pas de caractère singulier au médicament.
Cela signifie que les atteintes au droit de propriété intellectuelle sont indépendantes des questions liées à la qualité ou la sécurité du produit incriminé.
Malgré tout, certains pays, comme la France par exemple, ont prévu un alourdissement des sanctions au plan pénal dans le cas où la contrefaçon de brevets, marques ou dessins et modèles porte «atteinte à la santé ou à la sécurité de l’homme ou de l’animal ».
Ainsi, en matière de lutte contre le trafic de faux médicaments, il faut envisager les droits liés à la propriété intellectuelle comme des moyens juridiques disponibles et efficaces parmi d’autres (délit de tromperie et de falsification, l’exercice illégal de la pharmacie, l’information et la publicité trompeuses, etc.) pour sauver des vies et non évidemment comme des fins en soi.
Quelles sont les atteintes aux droits de propriété industrielle en matière de médicament ?
Toute atteinte portée à un droit de propriété industrielle est considérée comme une contrefaçon, dès lors qu’elle est réalisée sans le consentement du propriétaire du droit. Ainsi, au sens large, la contrefaçon s’entend comme toute atteinte portée à un droit.
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Sont alors notamment interdits, en fonction du droit considéré, la fabrication, la commercialisation, la détention, la vente, l’offre à la vente, l’importation, l’exportation, l’utilisation, la production, la reproduction, l’imitation, l’apposition, l’usage, etc.
S’agissant des médicaments, le plus souvent, la contrefaçon consiste en la reproduction de la marque, c’est-à-dire sa copie à l’identique.
Parfois, il s’agit d’une légère modification de celle-ci ou d’une reproduction partielle : il s’agit alors d’une contrefaçon par imitation de sorte qu’il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public.
Il peut également s’agir de la copie du brevet, qui octroie un monopole d’exploitation à son titulaire en raison des longues années de recherche et des coûts induits par son développement. Au delà de cette durée de protection, le brevet tombe dans le domaine public et devient libre de droit.
Quelles sont les limites aux droits de propriété industrielle en matière de médicament ?
Ces limites peuvent différer selon les pays et les réglementations applicables.
Pourtant, s’agissant des limites aux marques, on peut noter :
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La publicité comparative et la référence nécessaire à la marque. C’est la comparaison objective des biens ou services de même nature en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d’autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale, de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l’enseigne d’autrui. Cela suppose la comparaison de biens de même nature ou des biens ou services répondant au même besoin ou ayant le même objectif et, l’identification du comparé.
Le droit de substitution et la prescription sous DCI (Dénomination Commune Internationale qui correspond au nom de la molécule). En vertu de ce principe, le pharmacien peut proposer au client un médicament générique en remplacement du médicament prescrit par le médecin. Ce droit de substitution vise à réduire le montant de la prescription.
S’agissant des limites aux brevets, on peut citer :
- Les actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales ;
- Les actes accomplis à titre expérimental ;
- Les exceptions relatives aux inventions portant sur des végétaux ou des animaux ;
- La réalisation sous forme de préparation officinale de médicaments couverts par un brevet : la préparation de médicaments qui n’est pas faite à l’avance et, par unité, dans les officines de pharmacie, sur ordonnance médicale échappe à la contrefaçon. Cette exception permet aux pharmaciens de continuer à réaliser des préparations magistrales et donc à pratiquer librement leur art ;
- Le mécanisme de la licence obligatoire : ce dispositif est prévu dans les accords ADPIC. Malgré l’existence d’un brevet, qui confère un monopole à son titulaire, les pouvoirs publics peuvent autoriser un tiers à fabriquer le produit breveté ou à utiliser le procédé breveté sans le consentement du titulaire du brevet. Il peut s’agir soit de licences obligatoires pour approvisionner le marché intérieur, soit depuis la Déclaration de Doha de 2003 de licences obligatoires autorisant la fabrication en vue de l’exportation (pour des pays n’ayant pas la capacité de production).
En outre, certains pays autorisent les fabricants de médicaments génériques à utiliser l’invention brevetée pour obtenir l’approbation de commercialisation sans l’autorisation du titulaire du brevet et avant que la protection conférée par le brevet n’expire. Les producteurs de médicaments génériques peuvent alors commercialiser leurs produits dès que le brevet arrive à expiration. Cette disposition est parfois appelée l’exception réglementaire ou la disposition Bolar.
En conclusion, précisons que les pays les moins avancés ont eu jusqu’au 1er juillet 2013 pour se conformer aux accords ADPIC. Toutefois, dans le cadre de la Déclaration de Doha sur les accords ADPIC et la santé publique, ce délai de mise en conformité est prolongé jusqu’à 2016 pour les brevets pharmaceutiques.
Accord Commercial Anti-Contrefaçon (ACAC) : un traité pour répondre aux enjeux planétaires de la contrefaçon ?
Initié en 2008, l’ACAC[1] ou l’Accord commercial anti-contrefaçon est un projet ambitieux ayant vocation à conduire à la signature d’un traité international en vue de renforcer les droits de propriété intellectuelle et de gagner en efficacité dans la lutte contre la contrefaçon sous toutes ses formes.
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L’ACAC réunit les pays suivants : l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, les Émirats arabes unis, les États-Unis, le Japon, la Jordanie, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Suisse et l’Union européenne.
Selon la Commission européenne, ces rencontres visent à améliorer les standards internationaux pour lutter efficacement contre les atteintes à grande échelle au droit de la propriété intellectuelle.
L’ACAC prévoirait notamment la responsabilisation des fournisseurs d’accès à internet, la création d’un nouveau cadre juridique et d’un organisme de gouvernance indépendant des institutions internationales déjà existantes (OMPI, ONU, etc.).
Le 4 juillet 2012, l’ACAC est rejeté par le Parlement Européen. L’accord ne peut maintenant plus être en vigueur dans l’Union européenne.
[1] ACAC ou ACTA en anglais : Anti-Counterfeiting Trade Agreement.